Les dirigeants d’entreprise et des RH devraient faire attention aux conséquences possibles à long terme d’introduire la technologie en milieu de travail, particulièrement s’ils n’ont pas consulté les employés.
Sans surprise, les opinions concernant la technologie en milieu de travail sont mitigées. Cette conclusion est tirée d’une étude de recherche qualitative sur le terrain, intitulé Worker Identity Research Collaboration (WIRC), et dirigée par Martha Bird, principale anthropologue du travail chez ADP, et sa partenaire de recherche, Shelley Sather. Dans le cadre de l’étude, 24 participants ont donné leur opinion.
« Nous avons recueilli les perspectives de nos collaborateurs participants concernant l’utilisation de la technologie et des plateformes numériques en milieu de travail, indique Martha Bird. Les opinions provenaient de plusieurs personnes (un conducteur qui faisait du covoiturage, un médecin, un journaliste et d’autres) sur divers sujets liés à la technologie, comme l’automatisation, les médias sociaux, le fait de demeurer pertinent comme employé par rapport aux changements technologiques et les expériences de travail concrètes et abstraites découlant de la technologie. Les réponses sont opportunes et fascinantes. »
Machines : dignité et aliénation
Selon l’étude, malgré leur capacité de représenter une force positive, les machines peuvent dépouiller les travailleurs de leur dignité et les aliéner de leur travail. Cette situation peut, en retour, remettre en question la capacité d’agir des travailleurs. S’ils estiment que leur capacité d’agir s’amenuise en raison de l’automatisation de certaines tâches, les travailleurs peuvent se sentir minimisés et mécanisés. Ils trouveront alors difficile d’être motivés et de donner le meilleur d’eux-mêmes.
Les dirigeants d’entreprise et des RH devraient faire attention aux conséquences possibles à long terme d’introduire la technologie en milieu de travail, particulièrement s’ils n’ont pas consulté les employés.
« Les humains ne sont pas des machines, et les machines ne sont pas humaines. Donc, le défi en milieu de travail consiste à établir l’équilibre entre les deux tout en honorant ce qui fait de nous des êtres humains, souligne Martha Bird. Il est important de se sentir humain. Dans la course à une meilleure efficacité, à une plus grande productivité et à une vitesse accrue, les décideurs risquent de négliger l’impact potentiel de la technologie dans l’environnement des travailleurs. Parlez aux personnes qui utiliseront la technologie. Ayez une compréhension de leurs craintes et sollicitez leur rétroaction. En incluant des travailleurs comme “experts sur le terrain”, vous pouvez aider à restaurer cette capacité d’agir. »
Technologie en milieu de travail
Le sujet de la technologie en milieu de travail a trouvé écho chez plusieurs participants. Certains considéraient principalement le travail comme une activité concrète, et la technologie n’avait peu ou pas de place dans leurs vies professionnelles. D’autres ont discuté d’une expérience de travail abstraite qu’entraînait la technologie.
Une participante a parlé de son expérience de travail physique, indiquant qu’elle considère le travail comme une activité tangible comprenant du travail manuel et des résultats concrets. « C’est mettre la main à la pâte, littéralement », indique-t-elle en ajoutant que le travail administratif lui est étranger. Un autre participant a confirmé que le travail était quelque chose de tangible pour lui. Il a indiqué qu’il n’avait pas tendance à trouver des façons d’utiliser la technologie numérique dans son travail ou sa vie, favorisant plutôt des « contacts humains tangibles établis au moyen d’efforts physiques et de compétences ». Une troisième participante a déclaré que la plateforme qu’elle utilise au travail la fait se sentir superflue et qu’elle n’a pas de contact humain authentique. Selon elle, les travailleurs en viennent à s’attendre à ce sentiment de superfluité lorsqu’ils travaillent pour quelque chose d’invisible (ou d’abstrait).
« Pour la plupart d’entre nous, il est impossible de “voir” ce que nous avons accompli de manière tangible, souligne l’anthropologue. Les technologies avancées entraînent la majorité notre travail, et ainsi, nous participons moins concrètement à nos tâches. Auparavant, la façon de travailler et ce que nous produisions avaient une beaucoup plus grande proximité avec le “marché”. Nous bâtissions des relations tangibles et durables pour soutenir nos modes directs d’échange. Bon nombre d’entre nous tentent de comprendre comment raviver le désir humain fondamental de liens significatifs avec les outils du présent. C’est un travail en cours. »
Visitez le site de l’étude WIRC ou inscrivez-vous à l’enregistrement du webinaire sur la « pertinence » pour en savoir plus sur la façon de mettre en œuvre l’étude dans votre milieu de travail.
Rapidité de l’obsolescence
Selon l’étude, certains travailleurs se sentent contraints de demeurer pertinents dans le contexte de la prise de contrôle numérique d’emplois et de parties d’emploi.
« On retrouve plusieurs raisons pour lesquelles certains travailleurs se sentent contraints de demeurer pertinents, déclare Martha Bird. Certains voient que des parties de leur emploi sont de plus en plus automatisées et ressentent de la pression à cause de cela. D’autres luttent pour imaginer toute autre façon de faire les choses autrement qu’ils les ont toujours faites, ce qui, dans le monde du travail en rapide numérisation, représente une position précaire à laquelle se rattacher. Toutefois, d’autres veulent s’adapter, mais ne sont pas certains de la façon de s’y prendre. »
Certains se sentent moins contraints de demeurer pertinents pour différentes raisons.
« L’un des participants, Paul, incarne la personne en fin de carrière qui a obtenu de la reconnaissance et de belles réussites professionnelles. Aussi, il n’est pas particulièrement inquiet à l’idée d’avoir assez d’argent pour prendre sa retraite. Ce sont tous des facteurs considérables qui contribuent à la contrainte ou l’allègent », indique Martha Bird.
Concernant les travailleurs qui se sentent contraints de demeurer pertinents, les dirigeants d’entreprise et des RH peuvent offrir du soutien en les aidant à découvrir des parcours futurs en fonction de leurs compétences uniques.
« Pour les personnes qui veulent s’adapter aux changements inaugurés par la technologie en milieu de travail, il peut être difficile de savoir comment s’y prendre, mentionne-t-elle. En général, les entreprises qui incluent le perfectionnement et le travail axé sur les compétences seront les mieux outillées pour mettre en valeur des options de développement de carrière alignées sur leur vision stratégique et les objectifs professionnels de leurs employés. »
Devenir une machine
Le rapport invite les dirigeants à tenir compte de deux questions lorsqu’ils déploient leur expertise par le biais de l’automatisation : qu’est-ce qui est optimisé et quels sont les coûts personnels et sociaux connexes?
Selon le médecin qui a participé à l’étude, son travail est de plus en plus automatisé. Il se décrit comme étant « attaché à une tablette » tout en estimant qu’il devrait passer du temps de qualité avec les personnes qu’il est censé aider. Il a mentionné qu’il sacrifierait le fait de « devenir une machine », même si cela impliquait d’être payé moins.
« De nos jours, de nombreux dirigeants d’entreprise comprennent que le profit aux dépens des gens ne représente pas un modèle d’affaires viable, déclare Martha Bird. Actuellement, les entreprises les plus prospères semblent être celles qui accordent la priorité à leurs employés. Il s’agit d’entreprises qui portent attention à leur personnel, à l’environnement et aux communautés au sein desquelles elles sont présentes. La véritable optimisation s’apparente à trouver les meilleures conditions dans lesquelles les employés réussissent tout en atteignant les objectifs de l’entreprise. »
Une autre participante, qui travaille pour une entreprise disant accorder de la valeur aux relations humaines, a mentionné avoir tenté de fournir une rétroaction importante à son employeur, mais qu’elle avait eu du mal à s’y retrouver dans l’expérience technologique conçue pour recueillir ce genre de commentaires. Elle a cessé d’essayer de le faire, car il lui semblait impossible d’éviter la boucle de la rétroaction.
« Les dirigeants doivent prendre le temps d’examiner en détail les ramifications potentielles de leurs décisions liées à la technologie, souligne l’anthropologue. Ils doivent faire attention aux conséquences en amont de l’introduction de nouveaux outils dans un système bien établi. Il faut prendre le temps d’envisager une série de scénarios tout en obtenant l’apport direct des personnes qui doivent “collaborer” avec ces nouveaux outils. »
Avoir sa propre plateforme
Pour certains, gagner sa vie signifie utiliser les plateformes numériques. Par exemple, de nombreux propriétaires d’entreprise utilisent actuellement les médias sociaux pour générer des occasions d’affaires et fidéliser leurs clients. Selon l’étude, déterminer la façon d’avoir une présence numérique peut comporter une incursion dans la nouvelle technologie et les relations.
« Pour les personnes ayant grandi dans un milieu où les technologies numériques faisaient partie de leur quotidien, l’idée de gagner sa vie en ligne ne représente pas de contraintes particulières, indique Martha Bird. Elles sont habituées au caractère varié des plateformes sociales et possèdent une expertise numérique ainsi que de l’expérience pratique dans la promotion d’elles-mêmes. Tout cela a du sens. »
Pour d’autres, déterminer comment se présenter en ligne ressemble à se jeter dans l’abîme.
« Bien des gens ne sont pas à l’aise avec l’idée d’un “moi numérique” et de toutes les conséquences qui s’ensuivent sur les plans technique et psychologique, indique Martha Bird. Pour eux, l’idée de gagner sa vie dans la sphère numérique est étrange et effrayante. »
Selon l’anthropologue, pour soutenir les employés qui sont plus ou moins à l’aise d’utiliser les médias sociaux et les autres technologies en ligne pour le travail, les dirigeants d’entreprise et des RH devraient tenir compte du niveau de confort des gens par rapport à tout ce qui est numérique.
« Vous pouvez tirer parti des diverses expériences de vos employés et du fait qu’ils ont été exposés à la technologie pour en faire une occasion d’apprentissage entre pairs et de mentorat inversé, déclare-t-elle. Cela peut s’avérer une expérience enrichissante. »
Plus de renseignements pour les dirigeants
En plus de parler de la situation de 24 travailleurs, l’étude WIRC comprend des questions conçues pour aider les dirigeants d’entreprise et des RH à mettre en œuvre les découvertes découlant de ces situations. En voici quelques exemples :
- À quoi est-ce que cela ressemble d’utiliser la technologie qu’on demande aux gens d’utiliser au travail?
- À quelle fréquence la technologie change-t-elle, et comment cela touche-t-il les utilisateurs et le travail?
- Qui a le contrôle sur la façon dont la technologie influence le travail?
- Quels aspects de nos produits et services sont uniquement traités par la technologie?
Visitez le site de l’étude WIRC pour connaître les autres questions sur le sujet de la technologie en milieu de travail (cherchez la section intitulée Relevance (pertinence)). Vous pouvez également vous inscrire pour accéder à l’enregistrement du webinaire afin d’en savoir plus.
Cet article est paru à l’origine dans SPARK parrainé par ADP.