Par Brett Daniel

Comprendre les habitudes du monde du travail que les employés remettent en question permettra aux dirigeants de mieux répondre aux besoins et désirs de leur personnel.

Selon une nouvelle étude anthropologique sur le terrain, après une période de deux ans particulièrement difficiles, les employés remettent en question les risques associés à certaines habitudes du monde du travail. Est-ce une bonne décision de demeurer employé dans une seule organisation pendant de nombreuses années? Une retraite confortable à 65 ans, est-ce faisable ou désirable? Grimper les échelons en vaut-il le stress, les longues heures de travail et le retour sur investissement? Ces remises en question visent les habitudes du monde du travail concernant la loyauté, la sécurité financière ainsi que l’accomplissement personnel et professionnel. Pour conserver une longueur d’avance, les organisations doivent agir.

Selon une étude sur la satisfaction des travailleurs intitulée Worker Identity Research Collaboration (WIRC), menée par Martha Bird, principale anthropologue du travail chez ADP, et sa partenaire de recherche, Shelley Sather : « Les choix de carrière sont souvent liés à la sécurité financière. Mais, nous avons évolué dans notre compréhension de l’incertitude. Et le monde du travail évolue de manière plus agile, souvent aux dépens de la sécurité des employés. Sachant cela, les gens réévaluent ce que signifie réellement le risque lié à l’emploi. »

Comprendre les habitudes du monde du travail remises en question et la raison pour laquelle cela se produit permettra aux dirigeants de mieux répondre aux besoins et désirs changeants de leur personnel.

5 habitudes remises en question par les travailleurs

1. La loyauté envers l’entreprise

Selon l’étude, plusieurs participants estimaient que la loyauté était une relique d’une autre époque. Se sentant abandonnés par leur employeur, certains employés remettent en question la valeur et l’avantage de la loyauté à long terme. Bien qu’on les encourage encore à poursuivre le rêve américain en travaillant fort et en se dévouant à une seule organisation, pour bon nombre d’entre eux, ce rêve ne représente plus une réalité. Les employés demeurent quand même fidèles à leur organisation, mais ils ne sont plus aussi nombreux à envisager de passer plusieurs années à travailler au même endroit. Les travailleurs vivent actuellement dans des contextes économiques, sociaux et technologiques différents, comme une stratification économique et sociale accrue, alimentée en partie par l’inégalité croissante des revenus et la numérisation d’emplois considérés auparavant comme peu spécialisés. Certains se demandent : « Qu’arrivera-t-il si je perds mon seul et unique emploi? Que se passera-t-il si mon employeur me met à pied? La loyauté en vaut-elle la peine, et ne devrait-elle pas aller dans les deux sens? »

« Lorsqu’il est question de résultats, les gens sont de plus en plus conscients que les entreprises adoptent des mesures de réduction de coûts qui touchent directement les employés et leurs postes, mentionne l’anthropologue du travail. Dans les milieux de travail en évolution rapide, l’idée que rien ne dure pour toujours s’avère une réalité. »

2. L’âge de la retraite

Selon l’étude menée, on a encouragé de nombreux employés à travailler maintenant et à s’amuser plus tard, à se démener aujourd’hui pour pouvoir prendre leur retraite et en profiter demain. Mais certains ne considèrent plus la retraite comme possible. Malgré qu’ils aient travaillé fort, ils n’ont pas les ressources pour se retirer ou ils trouvent difficile de continuer à travailler jusqu’à la retraite, car leurs priorités ont changé. En d’autres mots, pour certains, il est devenu risqué de supposer qu’il est possible de prendre sa retraite.

« Certaines des personnes interrogées, en pensant à leurs parents et à leurs grands-parents, étaient résolument convaincues que, quels que soient leurs efforts, elles ne pourraient jamais avoir la même qualité de vie, souligne Martha Bird. D’autres ont vu leurs parents avoir de la difficulté à prendre leur retraite ou encore avoir de la difficulté une fois qu’ils avaient pris leur retraite. »

Certains ont envisagé des microretraites ou de courtes pauses professionnelles qui permettent de profiter de la vie plus tôt au lieu de retarder ce moment jusqu’à l’âge de la retraite en tant que tel. Ils peuvent apprendre de nouvelles compétences, changer d’emploi, prioriser leur santé mentale et physique : faire ce qui leur plaît en quelque sorte.

« Beaucoup de gens ne voient pas comment ils pourront profiter d’une retraite confortable. Donc, pourquoi ne pas profiter plus de la vie maintenant? indique Martha Bird. Bien que certaines personnes puissent vouloir prendre congé de leur employeur pour faire l’expérience d’une microretraite, d’autres trouveront que l’option d’un congé sabbatique vaut le coup. C’est ce dernier que les dirigeants peuvent prendre en considération pour fidéliser les employés qui, autrement, quitteraient leur entreprise pour ne pas revenir. »

3. Les échelons à gravir

« Le nouveau modèle de cheminement professionnel prend plutôt la forme d’une toile que d’une échelle, souligne l’étude. Pour bien des gens, réussir à gravir les échelons n’est réservé qu’à quelques personnes, puisqu’il est difficile de contrôler les progrès et les résultats. » En d’autres mots, la progression vers les postes de direction pose son lot de risques personnels et professionnels qui mèneront à très peu de récompenses, sinon aucune. Toujours selon l’étude, cette ascension promet un meilleur statut social, mais ne l’offre pas systématiquement, ce qui ne convient pas à tous. Elle promet aussi une meilleure sécurité financière, ce que certaines personnes n’arriveront jamais à atteindre. Par conséquent, certains travailleurs ont refaçonné leur carrière en un réseau sinueux et étendu prenant diverses directions et qu’ils sont libres d’utiliser au lieu de grimper les fameux échelons. « Essentiellement, il s’agit d’un virage du cheminement de carrière à la création d’un réseau professionnel », mentionne-t-on dans l’étude.

« La métaphore de gravir les échelons implique une amélioration par étape du statut, sous forme de titres et de salaire plus élevé, déclare Martha Bird. Les gens cherchent délibérément du travail et des emplois qui ont du sens pour eux et qu’ils apprécient. Les dirigeants doivent réfléchir à leurs propres croyances concernant le fait de grimper les échelons. Si les travailleurs cherchent une meilleure appartenance, plus de variété et de choix par rapport à ce qu’ils font, il pourrait valoir la peine pour les dirigeants de repenser la façon de véhiculer et de gérer la notion de progression au sein de l’entreprise. »

4. Les titres de poste

« La chasse aux titres ne garantit pas la sécurité financière, et constitue un récit moins attrayant, peut-on lire dans l’étude. Ce n’est pas que les gens ne veulent pas s’épanouir et en accomplir davantage; bien au contraire. Ils souhaitent aussi construire une vie qui ne soit pas un itinéraire direct vers la destination de quelqu’un d’autre, mais plutôt une carte tracée par eux-mêmes vers une vie intéressante et épanouissante. » Pour certains travailleurs, compromettre le plaisir et le sens de leur vie quotidienne pour obtenir des titres, qui peuvent avoir une valeur significative ou non pour eux, n’est pas une quête attirante, satisfaisante ou valable. « De nombreuses personnes en sont arrivées à une nouvelle mesure du succès, qui est d’avoir les outils pour s’adapter et agir librement dans leur vie professionnelle », indique-t-on dans l’étude.

« Avoir des titres sans véritable signification, ça n’a pas beaucoup de sens pour certains travailleurs, souligne Martha Bird. Parallèlement, les personnes qui tirent parti de leurs titres pour se distancer de leurs collègues et exercer un plus grand contrôle sur les autres sont de plus en plus mal vues. Dans les deux cas, les titres sont vides et constituent des accessoires plus que des accomplissements. Les dirigeants devraient également se méfier des employés qui tentent d’utiliser leur titre pour exercer des avantages injustes par rapport aux autres. Une personne gagne le respect des autres grâce à son humilité et à ses actions, non à cause du titre dans sa signature. »

5. Un seul revenu

Notre source de valeur personnelle est de plus en plus définie par notre capacité à être maître de notre temps, « mais il est aussi question de résilience financière », dénote l’étude. Les gens sont profondément conscients « de leur fongibilité et de leur vulnérabilité financière ». Par conséquent, certains travailleurs distinguent leur emploi de leur revenu et développent des sources de revenus passifs. Ils se sont posé la question suivante : « Et si je perdais ma seule et unique source de revenus? Que se passerait-il? » Selon l’étude, le lien que les gens font entre un emploi et un revenu provient des anciens systèmes économiques où les personnes étaient payées pour leur travail manuel. Ces idées sont liées à une « mentalité de difficultés » selon laquelle il faut toujours travailler. Et certains se sont demandé si ces difficultés étaient nécessaires pour gagner leur vie.

« Les gens expérimentent de nouvelles façons de gagner un revenu. Pour ceux et celles qui ont vu leurs parents travailler sans relâche et sans grands résultats, l’idée d’un dur labeur souvent physique représentant le seul chemin vers la liberté économique s’avère insoutenable. De plus en plus de gens découvrent que le revenu et les efforts ne sont pas des compagnons par défaut, mentionne Martha Bird. De nos jours, les gens trouvent des moyens, grandement soutenus par les technologies numériques, de créer des sources de revenus sans obligation envers le fameux train-train quotidien. Pour certains, particulièrement ceux qui ont grandi dans un foyer de classe ouvrière avec des parents qui leur ont inculqué que le travail ardu et physique représente le moyen d’atteindre le rêve américain, remettre en question cette mentalité peut entraîner un sentiment de culpabilité. »

20 façons d’entamer un dialogue pour les dirigeants

Une fois qu’ils ont compris quelles sont les habitudes du monde du travail remises en question, les dirigeants peuvent agir. Des discussions créatives sur le leadership peuvent avoir lieu pour savoir où en sont les employés et leur offrir les ressources, la flexibilité et l’autonomie nécessaires afin qu’ils puissent mener une vie personnelle enrichissante. Les besoins et les désirs des employés doivent devenir le centre d’attention.

Les considérations suivantes visent à aider les équipes de direction à avoir des discussions importantes sur la façon de répondre aux besoins et aux désirs changeants de leurs employés. À partir de là, les dirigeants peuvent consulter les employés pour discuter de ce qui fonctionne le mieux pour tous :

Dialogue sur le risque

1. Nos actions reflètent-elles nos promesses envers les employés et ce qu’ils attendent de nous (donne-t-on l’exemple)?

2. Quelles suppositions faisons-nous sur la loyauté et la fidélisation?

3. Comment ces suppositions se reflètent-elles dans notre gestion?

4. Sommes-nous capables de conserver les employés que nous voulons conserver?

Dialogue sur le cheminement de carrière

5. Récompensons-nous nos meilleurs collaborateurs avec des postes de direction?

6. Les postes de direction représentent-ils le seul moyen de gravir les échelons ou de gagner un salaire plus élevé?

7. Notre structure professionnelle consiste-t-elle en une échelle ou en un réseau?

8. Que faisons-nous pour comprendre les compétences pouvant être transférées à divers postes afin d’offrir plus de possibilités de carrière à nos employés?

9. Quelle est l’importance accordée aux titres et aux statuts dans notre organisation?

10. Quelle est la signification des titres et des statuts dans notre organisation?

11. Comment pouvons-nous créer des postes qui démontrent l’importance des employés pour nous?

Dialogue sur la valeur

12. Comprenons-nous les besoins des employés autres qu’un chèque de paie?

13. Offrons-nous des avantages et des possibilités pour diverses étapes et circonstances de la vie?

14. Formons-nous les employés pour qu’ils se perfectionnent et se préparent à leur prochain poste, même si ce n’est pas nécessairement dans notre entreprise?

15. Les employés connaissent-ils l’incidence de leur travail sur l’organisation et ses clients?

16. Les employés comprennent-ils la raison de leur travail, pas seulement les tâches et la façon de les faire?

Dialogue sur l’autonomie

17. Le lieu de travail des employés est-il important pour nous ou est-ce plutôt une question liée à l’immobilier?

18. Pouvons-nous structurer les emplois selon les tâches à effectuer plutôt qu’en fonction des heures de travail, ce qui permet aux employés de mieux gérer leur horaire?

19. Les gestionnaires apprécient-ils le fait que les employés qui font le travail sont les experts de la manière de le faire?

20. Aidons-nous les gestionnaires à faciliter le travail d’experts ou leur donnons-nous beaucoup de processus à suivre et de tâches administratives à effectuer?

Vous voulez en savoir plus sur la satisfaction des travailleurs? Découvrez l’étude Worker Identity Research Collaboration (WIRC)

Cet article est paru à l’origine dans SPARK parrainé par ADP.

Article précédentLa technologie outille les RH à l’échelle mondiale
Article suivantStratégies de recrutement en pénurie de main-d’œuvre